Le chef sushi de Kim Jong Il raconte...

Le 21/08/2013 à 08h00 - Actualités Japon

Kenji Fujimoto, chef cuisinier japonais, a servi Kim Jong-il pendant plusieurs dizaines d’années jusqu’à sa fuite de la Corée du Nord en 2001. Aujourd’hui, il revient sur cette période de sa vie en se confiant à Adam Johnson, écrivain récipiendaire du prix Pulitzer 2013. L’entretien a été publié dans GQ USA.
Les années fastes
Le premier voyage de Kenji Fujimoto en Corée du Nord a lieu en 1982. Le but de ce séjour est d’initier les cuisiniers du pays aux techniques japonaises de réalisation des sushis. Il revient en 1988 pour trois ans sur invitation de Kim Jong-il. Ce dernier l’avait sollicité pour devenir son chef cuisinier personnel. Kenji Fujimoto accepte.
Une fois en Corée du Nord, c’est le début d’une grande amitié entre le dictateur et le chef japonais. Celui-ci bénéficie alors d’une excellente condition de vie et de travail avec notamment un salaire élevé et la mise à sa disposition d’un luxueux appartement. Il est convié à toutes les fêtes organisées par les barons du régime. Il accompagne également Kim Jong-il à ses séances de cinéma privées pendant lesquelles sont projetés exclusivement des films de Schwarzenegger et de Clint Eastwood.
Bien évidemment, Kenji Fujimoto est présent à chaque repas gastronomique. Durant ces festins, les convives dégustent des plats concoctés à partir d’espèces recherchées de poissons. Les mets sont accordés à de prestigieux vins français. En 1991 le contrat de Kenji Fujimoto est renouvelé, mais cette fois-ci pour 10 ans. Le cuisinier et son employeur sont davantage proches. Ils sont très souvent réunis, notamment pendant les moments de distractions (bowling, roller, chasse… etc.).
La prise de conscience
En 1996, Kenji Fujimoto repart pour Tokyo afin d’acquérir des produits demandés par Kim Jong-il. Les services secrets japonais procèdent à son arrestation et le gardent en détention durant 18 mois. C’est à cette période que le chef cuisinier ouvre enfin les yeux et constate la réalité en Corée du Nord. Alors que les autorités espèrent tirer de lui des informations sur le régime de Pyongyang, c’est plutôt lui qui apprend des policiers. Ces derniers lui prêtent d’ailleurs des œuvres et documents sur les violations des droits de l’homme et les crimes contre l’humanité perpétrés par Kim Jong-il et ses officiers.
Kenji Fujimoto finit par être libéré. Malheureusement, la vérité le plonge dans une grande détresse psychologue. Néanmoins, il décide de revenir en Corée du Nord, car il ne se résout pas à y abandonner sa famille restée là-bas. En 1999, il se voit confier une nouvelle mission par Kim Jong-il. Cette fois-ci il s’agit de se rendre en Chine pour prendre des boîtes de conserve. Il contacte alors les services secrets japonais pour les informer qu’il est de nouveau au service du dictateur. Son téléphone ayant été mis sur écoute par les autorités nord-coréennes, il est directement arrêté et placé sous résidence surveillée.
La fuite et le retour
Dès lors, Kenji Fujimoto vit sous la peur et songe de plus en plus à s’échapper. L’occasion se présente lorsque Kim Jong-il l’envoie de nouveau au Japon pour qu’il lui ramène une espèce de poisson très rare. Le chef cuisinier en profitera pour ne plus revenir. Sa famille est arrêtée et envoyée dans une ferme de rééducation. La détention dure 6 années pendant lesquelles sont fils périt.
Entre temps, Kenji Fujimoto ouvre un restaurant à Tokyo. En 2012, il se résout enfin à revenir à Pyongyong et retrouve sa famille. Tiraillé par les remords et la culpabilité, il songe à ouvrir un établissement spécialisé dans les ramen à Pyongyong. Pour lui la Corée du Nord est à jamais inscrite dans sa mémoire.